Loi sur l’innovation : comment le pays pourra en profiter ?

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عمار صادق

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14 فيفري 2009
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Loi sur l’innovation : comment le pays pourra en profiter ?


Nous avons lu avec beaucoup d’intérêt les récentes déclarations du gouvernement concernant la loi sur l’innovation. Nous ne connaissons pas encore le contenu de cette loi, mais nous comprenons déjà la volonté de nos dirigeants de hisser le niveau technologique de nos industries vers les niveaux mondiaux (car il n’y a aucune raison pour que nos industries demeurent arriérées dans un monde qui bouge et qui évolue à grande vitesse).



Toutefois, c’est de notre devoir en tant que scientifiques de faire remarquer ceci : les « lois sur l’innovation » promulguées dans les pays développés ne doivent jamais être intégralement reprises pour constituer « notre » loi sur l’innovation. Nous avons nos besoins spécifiques, et l’état réel de nos industries (ainsi que leurs niveaux technologiques) est loin d’être celui des pays développés… Actuellement, le Grand défi de la nation est l’assimilation des technologies existantes, ainsi que leur maîtrise. Un jour, notre ministre de l’Industrie et de la Promotion des investissements s’était demandé « Pour combien de temps encore l’Algérie va devoir demander aux étrangers de construire ses routes ? ». Le problème, ce ne sont pas seulement les routes ; non, le problème c’est que Tout dans le pays dépend des technologies étrangères et du savoir-faire étranger, et cette dépendance ne fait que s’accentuer avec les années, en dépit de toutes les bonnes volontés... Certains « conseillers » de nos ministères considèrent qu’il suffit, pour remédier à ce grave phénomène de dépendance technologique, d’acheter encore plus de technologies des pays avancés. C’est comme un drogué qui, voulant s’affranchir de la drogue, en consomme de plus en plus !... Nous avons également remarqué que ces mêmes « conseillers » confondent, presque totalement, « achat de technologie » et « transfert de technologie » ; et… partant d’une telle confusion, il est tout à fait compréhensible que nous craignions sérieusement de mauvaises surprises en ce qui concerne la stratégie industrielle qu’ils sont en train de préparer pour le pays (et dont la présentation est apparemment imminente)(1). Avant toute chose, il nous faut tout d’abord expliquer la notion de transfert de technologie. Pour cela, je ne vais discourir avec des termes savants et compliqués, je vais plutôt me contenter de raconter une petite histoire. Il y a des années de cela, j’étais dans notre garage et je regardais mon frère en train de démonter pièce par pièce sa façonneuse (appareil qui sert à façonner le pain dans une boulangerie), il nettoyait les pièces avec soin, puis remontait patiemment sa machine comme elle l’était. Je lui ai dit : « Tu la démontes, tu la remontes, alors dis-moi, est-ce que tu peux la fabriquer cette façonneuse ? ». Prenant ma question très au sérieux, mon frère prit alors ses pièces une par une, tantôt il disait, « Cet élément c’est juste une tôle, d’une épaisseur donnée, qu’il faut savoir découper et plier », « Cette courroie, j’en prends les références et je peux la commander », « Ces roulements sont normalement disponibles chez SKF », « Ces axes et ces cylindres, je peux facilement les reproduire chez un bon tourneur », etc. Nous avons ainsi fait le tour de toutes les pièces (même les boulons et les écrous), puis il prit une pièce x qu’il avait laissée en dernier et il me dit : « Celle-là, par contre, je ne saurais pas la fabriquer, cela fait un bout de temps que j’essaie de comprendre son fonctionnement, mais je la trouve assez complexe ». Eh bien, c’est là qu’interviendrait à bon escient une requête de « transfert de technologie ». On ne fait une demande de transfert de technologie que lorsque nos équipes d’ingénieurs, de technologues et de chercheurs ont effectué un « intense » travail de rétro-ingénierie (reverse engineering), et qu’ils se soient préalablement attelés à reproduire de manière « autonome » toutes les pièces de l’équipement industriel qui nous intéresse. Dans presque tous les cas, on ne peut pas reproduire cet équipement dans son intégralité. Ce que nous n’arrivons pas à reproduire là, nous négocions le transfert de sa technologie. Par exemple, je commande mille façonneuses chez tel fabricant étranger sous condition qu’il accepte de me transférer la technologie de fabrication de la pièce x qui m’intéresse.
C’est ainsi qu’en 2007, Westinghouse — détenu par le japonais Toshiba — a remporté un contrat de construction en Chine des quatre premiers réacteurs de troisième génération AP1000. Comment cette société a-t-elle pu décrocher ce contrat qui était censé revenir à Areva ? En acceptant un grand accord de transfert de technologie au profit de la Chine. Le premier réacteur AP1000 de Westinghouse est construit dans la province du Zhejiang, et devrait être achevé en 2013. Le deuxième réacteur du même type, construit dans la province du Shandong, doit entrer en fonction en 2014. Des sources chinoises indiquent, je cite, que « La Chine est très impliquée dans la construction de ces deux réacteurs, elle espère pouvoir construire toute seule des réacteurs AP1000 d’ici 2020. » (Sans commentaires !…) Dans un excellent article datant de 2001, le chercheur sud-coréen Linsu Kim traite les spécificités des développements industriels des pays émergents d’Asie (en particulier celui de son pays). Nous résumons ainsi cet article, en reprenant fidèlement les idées de Kim : « Au premier stade de l’industrialisation, les entreprises des pays en développement font de l’apprentissage : elles « désossent » les produits étrangers standards pour les imiter et les reproduire. Puis, à mesure que l’industrialisation progresse, ils abandonnent cette imitation reproductrice pour se concentrer sur l’imitation créatrice en produisant des imitations qui présentent des caractéristiques de performance nouvelles. Lorsqu’un pays en développement rattrape les pays avancés et atteint la frontière technologique, la priorité passe de l’imitation à l’innovation. Ainsi, le développement industriel est le processus de création de « capacités technologiques » par l’apprentissage. Les gouvernements devraient se préoccuper d’assurer cet apprentissage. En général, les gouvernements disposent de tout un arsenal d’instruments d’action pour peser sur le processus dynamique d’apprentissage technologique. Certaines politiques industrielles « avisées » incitent spontanément à l’apprentissage technologique. Elles agissent par la valorisation des ressources humaines et par des incitations financières et fiscales. Afin d’accélérer le processus d’apprentissage technologique, les gouvernements ont intérêt à fixer des objectifs très ambitieux. Ce genre d’objectifs intensifie l’effort fait au niveau individuel, comme celui fait au niveau de l’organisation Cette pratique de l’apprentissage « rapide » a été très répandue dans le secteur manufacturier coréen. Aussi, les entreprises de l’automobile, de la construction navale, de la sidérurgie, de l’électronique et de la construction de machines ont connu des processus analogues dans la phase d’imitation reproductrice. C’est cet apprentissage qui va favoriser le transfert de technologie. Celui-ci devrait évoluer avec le temps, à mesure que l’industrialisation progresse. Lorsqu’il s’agit de technologie standard et simple, les entreprises locales peuvent faire de la rétro-ingénierie en désossant les produits étrangers. Lorsque la technologie dépasse leurs capacités, elles peuvent recourir aux licences étrangères et tâcher d’assimiler — le plus vite possible — la technologie importée. Dans le cas d’une technologie intermédiaire, les entreprises locales peuvent intensifier leurs activités internes de R&D pour « renforcer » leur position dans les négociations sur les transferts de technologie. Il faut souligner qu’il ne suffit pas de mettre le pays et ses entreprises en contact avec les connaissances extérieures pertinentes, si aucun effort n’est fait pour les internaliser. Ainsi, et pour effectuer un transfert de technologie en bonne et due forme, il faut :
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une capacité d’absorption incluant une base de connaissances préalables et des efforts intenses de préparation par la pratique ;
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orienter l’apprentissage, d’abord « imitation reproductrice », puis « imitation créatrice », puis enfin « innovation » ;
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caractère « rapide » que doit avoir l’apprentissage.

L’exemple de la Corée du Sud sera sans doute en partie difficile à suivre pour les autres pays en développement, en raison du nouvel ordre commercial international instauré dans le cadre de l’OMC qui fait que ces pays auront du mal à protéger leurs marchés intérieurs pour permettre à leurs industries naissantes de faire l’apprentissage requis. »(2). En mai dernier, je croisais dans les allées de la faculté un de nos professeurs ; il revenait d’une réunion avec des représentants du ministère qui sont venus « sensibiliser » nos chercheurs sur l’utilité de créer des liens avec le secteur économique. « C’est bien, me dit-il, mais nous aurions aimé qu’on nous dise exactement ce dont le pays a besoin et nous orienterons nos travaux dans ce sens. » Il va sans dire que je n’ai pu qu’apprécier le bon sens de sa remarque. Le chercheur ne doit pas aller voir l’industriel pour lui dire : « Je dispose d’un budget de 100 milliards de dinars, est-ce que ‘‘par hasard’’ je pourrais vous être utile ? ». L’Etat doit se comporter avec la communauté des chercheurs comme il se comporte avec n’importe quelle société censée être « rentable » : « On vous donne 100 milliards de dinars, et vous réalisez ‘‘ça’’, ‘‘ça’’et ‘‘ça’’ durant ce quinquennat ! » Ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que le chercheur et l’industriel sont tous les deux au service de la nation ; on donne un budget « conséquent » au premier, on permet des gains « alléchants » au second, et on leur dit exactement ce que le pays « attend » d’eux ! Il y a quelques mois, je discutais avec un chercheur qui revenait d’un stage dans un laboratoire de chimie en Espagne. Je lui demande alors : « D’après ce que vous avez pu remarquer, pourriez-vous situer ‘‘grossièrement’’ le pourcentage des travaux de recherche que ce laboratoire destine à des applications dans l’industrie espagnole : 30%, 50 % ou 70% ? » Notre chercheur réfléchit pendant quelques secondes, puis me répond sans hésitation : « Je dirais 100% ». (Sans commentaires…) En général, et à travers la recherche par l’imitation (qu’il nous conviendrait d’appeler désormais recherche reproductrice), quand le pays investit 100 milliards de dinars, c’est pour récupérer, dans cinq-six ans, 1000 milliards de dinars(3) ; contrairement au cas de la recherche par l’innovation, dont les retombées dans un pays sous-développé sont quasiment « nulles » (si ce n’est bien sûr le « prestige » d’être au courant de ce qui se passe aux frontières du savoir.
Mais quand on voit, malgré ce « prestige », que nous traînons depuis quarante ans, le pays continue à être « dépendant » même vis-à-vis des technologies les plus élémentaires, alors là il y a un problème !…) Un rapport de l’OCDE stipulait il y a quelque temps que, je cite, « la Chine a encore un long chemin à parcourir avant d’être dotée d’un système national d’innovation moderne et hautement performant ». Ainsi — et en étant juste bêtes et disciplinés — nous déduisons alors que la Chine a pu atteindre un niveau technologique qui fait trembler la planète sans passer par… l’innovation ! (merci Messieurs de l’OCDE de contredire vos propres confrères, et de nous permettre ainsi d’ouvrir un peu mieux les yeux !). Depuis quatre décennies maintenant, et contrairement à tout bon sens, notre pays adopte implicitement l’approche de la recherche par l’innovation. C’est ainsi qu’il ne mesure la rentabilité de ses chercheurs que par le nombre de publications « internationales » qu’ils produisent. Ceci amène tout simplement nos chercheurs à courir derrière ce qui est « publiable » et non à s’investir dans ce qui est « utile » au pays ! En réalité, on ne leur laisse aucun choix : leur carrière et leur avancement — et donc leur rémunération — dépendent de ces publications ! Chaque année on fait « fièrement » le compte du nombre de ces dernières produites par nos chercheurs ; et à aucun moment on a essayé de faire une estimation « objective » du pourcentage de ces publications qui a eu un impact « concret » et « réel » sur le développement technologique et industriel du pays (on ne fait pas cette estimation parce que nous savons tous très bien, par avance, ce qu’elle va dévoiler ; et comme chacun de nous, dans son coin, se sent incapable de « changer le monde », alors nous continuons sagement à adopter la stratégie de l’autruche). Pourquoi disons-nous tout cela maintenant ? Parce que plusieurs paramètres indiquent que le terreau est prêt à recevoir les semences d’une nouvelle ère. En effet, ces précédents mois se sont distingués par des initiatives qui nous ont réellement ravis : d’abord, il y a cet intérêt grandissant pour l’Intelligence Economique -IE - (que l’INPED de Boumerdès a pris la charge de promouvoir, sous incitation de notre ministre de l’Industrie)(4). Il y a également ces intéressantes « Assises de la recherche scientifique », organisées en mai dernier par la DGRSDT(5), au cours desquelles des travaux de recherche « applicables » à l’industrie ont été mis en valeur, en présence d’investisseurs potentiels et de partenaires financiers (cette belle initiative ne doit plus être occasionnelle, mais systématique !). Et puis, il y a aussi cette « originale » visite effectuée il y a quelques mois par la ministre déléguée à la recherche scientifique, à quatre de nos plus importantes entreprises d’industrie mécanique(6) ; et, à notre grande satisfaction, elle exhorta les cadres dirigeants de ces entreprises à « ouvrir grande leurs portes à l’expérimentation et à la fabrication de ‘‘prototypes’’, fruit des recherches scientifiques nationales », et de préciser que « le savoir académique doit être mis à profit et appliqué pour conforter les efforts de ‘‘mise à niveau’’ du tissu industriel national » (rien ne pourrait mieux nous satisfaire que cette implication dans la « mise à niveau » de nos propres industries, et… c’est seulement ainsi que le pays assurera le « Compter sur Soi » apparemment cher à notre Premier ministre). Et puis, enfin, pour couronner toutes ces initiatives, il y a ce très important projet de loi sur l’innovation. Attardons-nous un peu sur cette importante loi, et précisons ceci à nos jeunes chercheurs : si on l’appelle loi sur l’innovation, c’est juste par abus de langage (car, à travers le monde, on appelle ainsi toute loi censée rentabiliser les travaux de recherche et créer des « ponts » entre le chercheur et le secteur industriel). Mais il est clair que dans notre cas, cette loi devra plutôt promouvoir la « recherche reproductrice » et non la « recherche par l’innovation », car cette dernière est tout simplement inadaptée à notre niveau actuel de développement (et… nous assumons complètement cette affirmation, même si elle est en totale contradiction avec ce que certaines éminences scientifiques internationales clament haut et fort). Quel sera l’objectif de « notre » loi sur l’innovation : « développer » et « favoriser » l’autonomie technologique ? Par quels moyens ? En instaurant un système de R&D basé sur la recherche reproductrice. Allons-nous appliquer ce changement de manière radicale ? Non, bien sûr, il serait bien mieux de l’appliquer en parallèle avec le système actuel (car il est inutile de perturber nos chercheurs plus qu’ils ne le sont déjà). Dans le but de promouvoir quel secteur, allons-nous appliquer cette recherche reproductrice ? Nous commencerons par le secteur des industries légères(7) (puis nous passerons progressivement aux autres secteurs). Mais pour réaliser tout cela, il faut absolument une « volonté politique » ! Car, il faut préciser que ce qu’exigera de nous « notre » loi sur l’innovation, ce n’est pas plus de financement, ni plus de rapports d’experts, ni plus d’investigations techniques et scientifiques, etc. Non, tout ce qu’elle exigera, c’est une dose de « courage » de la part de nos décideurs. En effet, « Aussi audacieux soit-il d’explorer l’inconnu, il l’est encore plus de remettre le connu en question ! »(8). Nous aimerions tant que nos dirigeants en Algérie aient la « trempe » du président sud-coréen Park Chung Hee, qui — lorsque son pays en a eu besoin — n’a pas hésité à instaurer vaillamment la Politique de l’Imitation, la Rétro-ingénierie, l’Intelligence Industrielle, la Veille Technologique, le Recherche Reproductrice, etc. Nos dirigeants actuels seraient-ils trop « raisonnables », et trop soucieux du « qu’en dira-t-on » international, pour se lancer dans de telles entreprises ? Quel dommage pour leur pays si c’est le cas !
 
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